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Conseil agricole Un marché très convoité

C'est en scandant « On n'a rien demandé, on a toujours bien géré », que la chambre d'agriculture des Alpes-Maritimes a manifesté le 5 novembre à Nice, aux côtés des agriculteurs, pour protester contre les coupes budgétaires.CA. ALPES-MARITIMES

Au-delà des coops et négoces, les chambres, CER, conseillers privés, Ceta, ou le contrôle laitier accompagnent les agriculteurs. Si par le passé chacun avait son pré carré, les lignes bougent, et la tendance devrait s'accentuer, entre coupes budgétaires pour les chambres et nouveautés réglementaires (GIEE, CEPP).

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A propos de la multiplicité des acteurs du conseil agricole, Jean-Claude Goudeau, DGA de la chambre d'agriculture de Vendée, use d'une métaphore sportive : « C'est comme pour un stade : on est capable d'être partenaire pour sa construction, tout en étant concurrent une fois dedans. » De fait, les relations entre les différents protagonistes oscillent entre collaboration et concurrence. Si le conseil agricole revêt de multiples facettes, technique, réglementaire, économique, ou agronomique, les interlocuteurs concernés sont globalement d'accord sur un point : on peut distinguer deux grands types de conseil, l'un répondant à une problématique ponctuelle, l'autre plus global. Dans la cour de ferme, on peut aujourd'hui croiser un conseiller de coop ou de négoce, de la chambre d'agriculture (p. 30), du CER (p. 31), du Ceta, un privé ou encore le contrôle laitier, aujourd'hui France conseil élevage (p. 32-33), tous venus par exemple échanger sur des itinéraires culturaux. Chacun sort de son pré carré, poussé par des impératifs économiques : réduction des subventions publiques, baisse du nombre d'agriculteurs (tout le monde n'est pas rémunéré à l'hectare), réduction des phytos... Le marché devient de plus en plus concurrentiel. Pour une même offre, comme le plan de fumure prévisionnel ou l'enregistrement des pratiques culturales, l'agriculteur a parfois le choix entre cinq ou six intervenants, voire plus. « Il faut que les organisations agricoles arrêtent de diversifier leur activité pour garder leur public initial. C'est hyper grave d'avoir aujourd'hui dix personnes dans la cour de ferme pour faire du conseil, juge Hervé Tertrais, président du PCIA, l'association des conseillers indépendants. A chacun son métier. Il appartient plus à un conseiller privé indépendant de faire du conseil technique en production végétale ou animale, ou à un TC de coop ou de négoce, qu'à un centre de gestion. Ceux qui ont choisi de diversifier leur activité feraient mieux d'être performants et de le rester dans leurs activités de base. »En tout cas, quand on demande aux agriculteurs, quel est leur partenaire privilégié pour optimiser la conduite de leur exploitation. La distribution agricole arrive largement en tête.

90 M€ en moins pour les chambres

Quoi qu'il en soit, les lignes bougent. Branle-bas de combat dans les chambres, qui s'élèvent contre les dispositions inscrites dans le projet de loi de finances 2015 (PLF), étudié en première lecture à l'Assemblée nationale. A l'heure actuelle, le budget des chambres, avec des différences départementales, est assuré à près de 40 % par la « taxe pour chambres » (TATFNB), et pour le reste par des services payants et des financements Casdar. Pour l'instant, la loi prévoit deux ponctions. La première concerne les fonds de roulement des chambres supérieurs à six mois, qui seront prélevés (et partiellement pour ceux supérieurs à trois mois), ce qui représente 70 M€, dont 25 M€ iraient dans un fonds de péréquation, pour être redistribué aux opérateurs. La deuxième est une réduction de la taxe de 15 M€ par an, de 2015 à 2017. D'où le chiffre de 90 M€ de coupes dénoncé par l'APCA. Une mise en péril d'un « système performant » pour Jean-Louis Cazaubon, vice-président de l'APCA : « Nous ne serons plus en mesure d'assurer une présence sur tout le territoire », arguant que « les acteurs du conseil vont vers les exploitations les plus performantes, qui sont capables de payer », alors que les chambres sont présentes « partout ». Même si elles ont gain de cause pour le PLF 2015, les chambres auront probablement à subir des coupes, au vu du contexte général. Anticipant ces changements, de nombreuses structures se lancent, ou se sont lancées, dans des prestations payantes, en plein boom.

Qui se saisira des GIEE ?

Une autre nouveauté aura un impact sur les acteurs du conseil agricole : la création des GIEE (groupements d'intérêt économique et environnemental), mesure phare de la loi d'avenir agricole, dont les dispositions sont entrées en vigueur le 14 octobre dernier. Des GIEE, composés d'agriculteurs portant un projet relevant de l'agroécologie, qui « pourront bénéficier de majoration dans l'attribution des aides ou d'une attribution préférentielle des aides », précise le ministère de l'Agriculture. Il est clair que le dépôt de dossier de reconnaissance de GIEE ne s'improvise pas. Après instruction de la Draaf, « une formation spécialisée de la Corearm (commission régionale de l'économie agricole et du monde rural) donnera son avis sur le projet », explique le ministère. Elle comprendra « des représentants des administrations de l'Etat, de la profession agricole, de l'aval (stockeurs, négociants, industriels), des réseaux de développement agricole et rural, des instituts techniques, des organisations de défense de l'environnement ou des organisations de consommateurs », et sera présidée par la Draaf et le président du conseil régional.

Expérimentation pour les CEPP

Quant aux CEPP (certificats d'économie de produits phytosanitaires), c'est sur la distribution agricole qu'ils vont peser. Leur expérimentation a été actée dans la loi d'avenir agricole, et un rapport remis aux ministères concernés. Il devrait être rendu public. Le principe, c'est que les obligés - les distributeurs - doivent produire des CEPP, qu'ils peuvent obtenir en accompagnant des démarches vertueuses (biocontrôle, MAE, conversion au bio...), ou en achetant des certificats à d'autres obligés. « L'agriculteur reste le décisionnaire final, rappelle Sébastien Picardat, DG de la FNA. Nous disons oui au conseil avec des fiches actions, mais non au fait que les distributeurs, coops et négoces, soient contraints et subissent des pénalités financières. On risque d'aller dans le sens contraire d'une responsabilisation des acteurs. » En outre, la loi d'avenir instaure aussi l'obligation pour tous les distributeurs de produits phytos de proposer un conseil à l'agriculteur, ce qui va plus loin que le cadre actuel de l'agrément phytos. Les évolutions amorcées ne sont pas prêtes de s'arrêter. Et comme l'exprime Vincent Magdelaine, chez Coop de France Métiers du grain : « Que le meilleur gagne, tant que rien ne vient fausser la concurrence. »

DOSSIER RÉALISÉ PAR MARION COISNE

C'est en scandant « On n'a rien demandé, on a toujours bien géré », que la chambre d'agriculture des Alpes-Maritimes a manifesté le 5 novembre à Nice, aux côtés des agriculteurs, pour protester contre les coupes budgétaires.

CA. ALPES-MARITIMES

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